Solix

Port Valdès... Ses quais, ses embarcations, ses marins, tout cela ne sera plus qu'un lointain souvenir dans peu de temps. Depuis ce jour funeste où j'ai tout perdu, plus rien ne me retient dans cette ville qui vie au rythme des vents et des marées. Mais que faire ? Mon navire a sombré, emportant mon équipage et ses secrets dans les abysses tandis que moi, je suis là, vivant, et seul survivant de ce naufrage.

Il est loin le temps des pêches miraculeuses, celui où nous ramenions du poisson jusqu'à faire céder les filets mais tellement proche aussi. Cette dernière sortie tragique en mer reste un mystère pour moi, je ne me souviens que du soleil qui rayonnait sur le pont et de la mer calme présageant ainsi une bonne journée au sortir du port. Le choc a donc du être d'une rare violence pour que cela me rende amnésique. Tout cela demeure étrange, la mer bien que changeante à cette époque de l'année ne représente pas un réel danger pour l'équipage aguerri que nous étions et les récifs au large de Port Valdès, je les connais comme ma poche ! Il aurait vraiment fallu un typhon pour bousculer un vieux loup de mer comme moi. Quarante années de mer, ça vous forge un homme !

Mais, je n'ai pas toujours été marin, il fut un temps où j'étais de l'autre côté du bastingage, chargeant et déchargeant jour après jour les galions venus de tout le royaume. Il me reste d'ailleurs un trophée de cette époque là : mon petit doigt gauche. Je l'ai perdu, écrasé par un fût de bière provenant de la mythique Actania, que je déchargeais d'un navire royal. Enfin, pas tout à fait, je le garde toujours dans ma poche droite. C'est mon "porte-bonheur", mon culte en quelque sorte, il me rappelle que le danger peut survenir à n'importe quel moment et que les Dieux n'altéreront rien. En effet, la perte de mes amis en mer m'a fait perdre la foi envers Dwaynna, celle qui me liait à la terre quand je partais en mer m'a abandonné. Il est donc temps pour moi de quitter Port Valdès, ses quais que je foulais, ses embarcations que je dirigeais et ses marins qui étaient mes amis.

Toutefois, on ne peut quitter Port Valdès sans passer par un bistrot, ces bistrots qui font la renommée de cette ville millénaire dans tout le royaume. Le dicton dit même qu'il y a autant de bistrots à Port Valdès qu'il y a de marins dans le royaume de Verya. Même si cela est sans doûte faux, cela ne m'empêchera pas de boire ma dernière pinte au "Nomade", une auberge que je ne connais point. J'entre donc dans ce mystérieux endroit, il n'y a pas de comptoir seulement des coussins de laine. Personne pour m'accueillir, je songe à partir, mais l'aubergiste me rattrappe. Je discute quelques temps avec lui, il me sert du lait, moi qui pensait avoir une bonne bière... Avant de s'installer à Port Valdès, c'était un vieux nomade qui sillonnait toutes les contrées du royaume et même au-delà, il m'explique qu'un groupe de nomade que l'on surnomme les "Nomades d'Aleïa" se déplace partout dans ce monde mais que personne ne peut les localiser. Juste avant de partir, il me dit ces mots : "Marche dans le sens inverse du mouvement de l'étoile orange". Croire en de telles inépties ne m'enchante guère, mais je dois m'en aller.

Partir de Port Valdès fut sans nul doûte la décision la plus dure à prendre au cours de ma vie. Depuis le jour où je naquis dans une hutte de l'un des faubourgs malfamé de la ville, jusqu'à aujourd'hui, soixante années se sont écoulées. Soixante années à pêcher et à errer au port. C'est mon père qui m'a "formé" à ce type de vie, un type brave, consciencieux dans son travail mais qui avait de sérieux soucis avec l'alcool, il est mort jeune : une histoire banale au port. J'ai donc été contraint de reprendre le flambeau pour subvenir aux besoins de la famille, je suis le sacrifié de la famille qui se tue à la tâche. C'est pourquoi, je ne suis jamais parti de Port Valdès, la campagne est un terme qui m'est totalement inconnu. Désormais cela va changer, j'ai l'occasion de partir et je vais la saisir.

La porte est franchie, je suis sorti de Port Valdès, ma ville que je ne reverrai sans doûte jamais. La lumière s'en est allée et je repense aux élucubrations de l'illuminé : "Sens inverse du mouvement de l'étoile orange". Je n'ai pas de but et cette information est la seule qui me donne un peu d'espoir, je décide donc de tenter de marcher en cette direction alors qu'on ne peut pas localiser ces nomades.

Quelques années d'une longue marche harassante me conduirent à un campement après avoir traversé de nombreux bourgs puis ensuite, la campagne à perte de vue. J'étais transformé, les rides avaient eu raison de ma personne et une longue barbe descendait le long de mon cou. De plus, je commençais à retrouver la mémoire concernant le naufrage de mon navire. Mais ces gens n'étaient que des chasseurs perdus, je dis aux trois hommes de marcher dans la même direction que le mouvement de l'étoile orange pour revenir à la civilisation. Ma déception était grande mais je ne pouvais plus m'arrêter. Il me fallut encore trois mois pour enfin trouver ces mystérieux "Nomades d'Aleïa". L'aubergiste disait donc vrai. La conversation fut engagée, les nomades avaient l'air très surpris de rencontrer quelqun, tout seul en plus. Je dormis une nuit dans leur campement sans savoir si cela allait être ma dernière nuit au sein de la communauté ou mon intégration pour la fin de ma vie. Solix l'éternel loup de mer, celui que tous les harengs redoutaient, allait-il devenir un marin d'eau douce, la terreur des gardons ?

Merci à vous pour ces réponses favorables. En ce qui concerne vos remarques sur la connaissance des "Nomades d'Aleïa" par le nomade. Je pensais à un nomade qui est parti du camp des nomades d'Aleïa, peut-être qu'il en existe, c'est à vous de me le confirmer ?
Mais c'est vrai que j'ai pas pensé à le mentionner même implicitement. C'est pour garder une part de mystère.